' Le bruit des cerises'
- lemenstrueldeperpi
- 9 sept.
- 4 min de lecture

Mon regard fixait la cerise qui venait de tomber de la cagette. La cerise se dandinait comme la Terre. Tout à coup, je me demandai si les théories des physiciens les plus récentes ne s'étaient pas trompées sur les trous noirs. Si j'avais les moyens de faire paraître la mienne, je démontrerais par la physique quantique que nous sommes dans un trou noir, d'où le semblable agrandissement de l'univers. De cette façon, notre galaxie se déplace vers le bas plutôt que vers le haut. Quoi qu'il en soit, qu'importe ! On sait déjà que dans l'espace, il n'y a pas d'orientation : le tracé de la trajectoire du point A au B est relatif à chaque point de vue. C'est aussi simple que ça !
Valérie ne quitta pas ses yeux de la route. Immobile depuis 30 minutes, ses paumes semblaient prendre soin de ses genoux pendant que ses doigts tremblaient. Chaque jour, son dos se courbait sans que personne ne le remarque. Depuis cet été, son sourire avait disparu comme quand je gomme le crayon à papier de mes croquis : j’essayais de faire le portrait de ma mère en croquant un morceau de pastèque. J’aimerais bien lui offrir à Noël. Cependant, j’avais seulement réussi à représenter Peggy la Cochonne* dévorant un poussin juteux sanguinolent.
J’aimais Valérie. Je n’étais pas amoureuse d’elle, mais Oh! combien je l’aimais ! Son silence me narrait le malaise qui la gangrenait depuis un an. Un malaise qui se déteignait par une multitude de souffrances aussi angoissantes que préoccupantes. Il était 17 h 30 et elle n’avait pas encore mangé à part un morceau de banane de ma bouche : sans lui demander son avis, ce matin, je l'avais contrainte à ouvrir sa bouche pour lui enfoncer un morceau de banane qui se baladait dans la mienne.
En hommage à Rick Davies*, Kevin conduisait la voiture en écoutant en boucle les tubes du groupe Supertramp*. Cela en devenait saoulant…
Avec mon sourire le plus séduisant, j’avais proposé à Kevin de laisser Valérie chez elle en premier et de me déposer ensuite chez moi. J’avais pris le soin de me vêtir en petite jupe à carreaux de Polichinelle* et de dentelles. J’avais opté pour mettre mon chemisier blanc en coton au col Claudine* bleu et mes ballerines noires ornées d’un nœud bleu clair.
Moteur allumé, la voiture s’arrête devant la porte de Valérie à PIA*. Mon regard lui jette un 'A demain ! ' Si tu savais combien je t’aime… En revanche, le regard de ma meilleure amie était aussi vide que celui de mon poisson rouge, Globule.
Kevin conduisait de manière à ne pas se faire remarquer ni être arrêté par les policiers. Il était toujours prudent sur la route. Je crois un jour avoir attendu qu’il n’avait pas les moyens de payer l’assurance auto et d’ailleurs, à quoi bon….
Dès ce moment-là, Kevin me traita comme une princesse. Il tenait à ce que je n’aie ni chaud ni froid. Il ajusta la climatisation à mon confort. Il m’avouait qu’il adorait la dentelle de ma jupe et que j’étais très jolie. Il me demanda si je me sentais dérangée par la fumée de sa cigarette. Puis il quitta la grande route pour tourner dans un chemin de vigne, prétextant qu’il avait un pipi. Il finit par se garer derrière un arbre. Je savais que nous étions à BOMPAS*
Pendant un moment, j'ai pu ressentir ce que ressentaient les autres. C’était une sensation comme si j’étais une poupée en plastique en train de fondre dans un four dont je survivrai à mon plus grand désespoir. Oui, c'est exactement ça ! J’avais envie de vomir et en même temps, j’étais excitée comme une puce.
J’étais bien, mais un peu stressée. Je pense avoir compris que je lui plaisais, car les joues de Kevin devenaient rouges et il commençait à respirer comme un ours. J’avais peur, mais en même temps, je savais que j’allais pouvoir le faire. Pendant que ma main droite appuyait de toutes mes forces son zizi, toujours sous son blue- jeans*, délicatement et discrètement, de ma main gauche, je vidais 20 unités d’insuline du stylet entre ses côtes et sa hanche.
Puis doucement et en rechargeant le stylet à 30 unités de plus d’insuline, je prétextais que j’avais envie de faire aussi pipi. Kevin venait de me poser par terre. Devant lui, je m’accroupis devant l’arbre en lui faisant voir que je n’avais pas mis de culotte. Il a suffi que je lève un peu ma jupe. J’aperçois que Kevin ferme ses yeux en râlant : je ne comprends pas très bien ce qu’il fait. Il tenait dans sa main son zizi rouge et gonflé comme un boudin noir. Je profite pour me rapprocher de Kevin, genre, j’allais l’embrasser, et je finis par lui injecter les 30 unités d’insuline.
Si j’avais bien compris le fonctionnement, il devrait lui rester 20 minutes de vie avant de rentrer dans le coma. Moi, je pris mon cartable derrière la voiture en m’autorisant d’écraser toutes les cerises à même le sol, avant de partir à pied en direction du village où se trouvait ma maison.
Valérie : 10 ans. Écolière en CM2 à Perpignan* dans l’enseignement privé.
Kevin : 37 ans. Beau-père de Valérie. Pédophile récidiviste. Cet homme abusait sexuellement de Valérie tous les soirs.
25 ans plus tard.
Valérie est devenue directrice de la nouvelle pouponnière de Perpignan*. Elle est mariée et a deux enfants.
Moi, je fais la manche aux feux rouges du centre-ville et je passe mon temps à tuer les récidivistes pédophiles et violeurs.
25 ans plutôt.
Deux jours plus tard, les gendarmes de Bompas* ont découvert le corps de Kevin.
Valérie et moi avons été auditionnées puis relâchées.
Depuis, nous nous sommes plus adressées la parole.
Valérie vit avec le doute.
Moi je survie avec la certitude.
Fin de l’histoire.